Récit égocentré d’un Contre-sommet, le G8-2007

Récit des dix journées de Nikolaz au Contre-sommet du G8-2007.

Récit égocentré d’un Contre-sommet, le G8-2007

Mercredi 30 mai.

Départ dès potron-minet pour rejoindre Roissy et m’envoler pour Hambourg. Je retrouve à Roissy Annie — représentante du DAL au CA de attac-France et animatrice du réseau No Vox — et Juliana — salariée des AmiEs de No Vox. Nous retrouvons ensuite à Hambourg les Marches en Europe 2007 contre le chômage, la précarité et les discriminations — en gros les personnes avec lesquelles j’avais passé une semaine à Vienne lors du Contre-sommet UE / Amérique latine l’an dernier après le FSE d’Athènes —, qui semblent bien ennuyées en terrasse d’un petit café d’un quartier sympathique. L’hébergement de la veille a été catastrophique et il faut en trouver un autre pour les deux prochaines nuits : les Marches étaient hébergées par le DKP — Deutsche Kommuniste Partei — qui n’avait donné aucun accueil si ce n’est lors de la conférence de presse où il s’était bien mis en avant, l’hébergement était à même le sol dans leur local tristounet, un évier dans lequel les deux mains ne rentraient pas, des portraits de Lénine, Mao ou Castro un peu partout... ça ne convenait pas trop...

On trouve un village vacances de l’ancienne oligarchie est-allemande sur les lacs au Nord de Berlin, en petits bungalows de six places. Toutes les commodités sur place, même les moustiques est-allemands sont avec nous à partir de 21h00.

Jeudi 31 mai.

Journée à ne rien faire, si ce n’est un communiqué attac-France a dicter de toute urgence. J’en profite pour demander en contre-partie que ma facture téléphone internationale du mois soit prise en charge par attac-France. Les premiers médias m’appellent pour avoir quelques infos sur le G8.

En soirée, concert de musique classique militant dans une église d’un village à proximité afin de mobiliser pour l’action du lendemain sur Bombodrom --- une zone militaire de 140 km² située au Nord de Berlin qui servait d’essai à l’armée soviétique, qui ne sert plus à rien depuis 1991, qui pourrait resservir à des lancements de bombes puisque l’armée allemande souhaite l’utiliser et le louer à toutes armées qui souhaiteraient l’utiliser.
Au retour, grand repas chaud.

Vendredi 1er juin.

Départ vers 14h00 pour Bombodrom où nous devons marcher jusqu’au Pink point — référence à une tour de contrôle qui fut peinte en rose après le départ des troupes soviétique et qui n’existe plus. Petite marche d’une heure. Je croise une Française, qui à un moment me dit : "Tu ne serais pas Nikolaz Berthomeau ?" Et si !!! en personne... C’était Charlotte de Berlin avec laquelle j’étais entré en contact à l’automne dernier par courriels et qui a dû s’inscrire sur je ne sais quelle liste que j’abreuve de mes envois. Son amoureux est le salarié de Info’OGM : et hop ! un contact de plus...

Arrivée au Pink point tout en donnant un interview à Radio France où reste une vieille bâtisse d’un étage. Chacun y va de son rouleau de peinture pour peindre les murs en rose et redonner vie aux actions anti-militaristes d’il y a plus de quinze ans. Le concert de musique classique de la veille est là.

On part maintenant pour Rostock. Je suis dans le vieux car des années 60 des Marcheurs hollandais. Entre Berlin et Rostock, ce sont des convois de 10 - 15 fourgons de police que l’on croise ; provoquant à chaque fois les rires gras des camarades précaires...

Notre caravane se fait arrêter à l’entrée de Rostock. Le bus des Hollandaises-ais ne repartira pas : un expert de je ne sais quel service le déclare pas aux normes environnementales. Lorsque les Marches commencent à partir, je profite du fait que nous avons été arrêtés au terminus de la ligne 2 du Strasse-Bahn pour monter dedans et aller au camp de Rostock. J’ai laissé ma carte de Rostock aux Marches, vu qu’ils en avaient plus besoin que moi pour trouver leur gymnase.

22h00. J’arrive au camp. Je cherche le barrio ATTAC où je retrouve Pierre, un camarade de Strasbourg faisant cette année son stage au service Web de attac-Allemagne. Je cherche Mälte du groupe Kultur de attac-Allemagne pour lui donner le masque de Sarkozy qu’il m’a commandé. Je croise Kay, salarié de attac-Allemagne avec qui j’avais échangé en novembre dernier à Francfort. Je plante ma tente. Je croise d’autres amis de attac-Allemagne, dont Sven.

Samedi 02 juin.

J’entre sous la tente du barrio ATTAC avec mon portable et me présente à la personne qui était là, une certaine Christine, connectée à Internet. Je demande à me connecter : "Pas possible, pour le moment c’est moi !". "Oui, très bien, mais il y a quatre prises Ethernet sur votre routeur et j’ai mon cable...". "Ce sera exceptionnel, et juste une demi-heure !!". Par contre, je n’ai pas eu le droit de recharger mon téléphone portable... comme quoi, j’aurais peut-être dû me présenter avec tous mes titres : "Chargé de la campagne G8-2007 pour attac-France".

Bref, sitôt ma session de 30 mn expirée, j’attends la délégation attac-Suisse pour présenter à sa Secrétaire générale, Florence, la tente qu’elle partage avec moi. Les Suisses sont lentes-ts, c’est indéniable : il leur faudra deux heures pour passer de la gare au camp. J’appelle Aurélie pour lui dire de répondre au message de Lucile de attac-Maroc qui sera présente à Rostock et auquel je n’ai pas eu le temps tout à l’heure de répondre. J’assiste à l’AG du barrio ATTAC. Comme je ne comprends pas assez l’allemand, je ne saurai jamais ce qui s’y est dit...

Je laisse Florence négocier avec la matrone du barrio le fait qu’il pourrait être normal que les "Internationaux" aient, sinon accès à la tente, du moins possibilité d’y sécuriser leur matériel de travail... deux membres du Bureau de attac-Allemagne réussissent à convaincre Christine du bien fondé de cette requête.

Je pars finalement avec les Suisses en manif’ vers 12h00 pour rejoindre le cortège ATTAC. En sortant du camp, je croise les amis du CADTM-Belgique qui viennent d’arriver et qui vont poser leur affaire ici le temps du week-end avant de partir pour le camp de Reddelich. Nous prenons le S-Bahn près du camp : c’est du n’importe quoi !! des masses de gens débarquent sur le quai, drapeaux au vent, on est les uns sur les autres. A la gare centrale, je croise mon petit groupe affinitaire "EuroLines" de 15 personnes que nous avons réussi à faire monter sur Rostock avec l’appui financer du Forum Social du Pays Nantais depuis Nantes (6 personnes), Rennes (6 personnes) et Bourges (3 personnes). Rassemblement ultra dense sur la place devant la gare. Départ en manif’ derrière la samba de attac-Autriche.

Vers 17h00, on arrive vers le port, lieu de jonction des deux cortèges de la manif’. Beaucoup, beaucoup de flics. On ne comprend pas trop. Des camions à eau qui semblent barrer la route si l’on veut aller plus loin que le point de rassemblement où se tient le concert du soir. Un vent de ouf, et un froid aussi avec mon petit pull. On va vers les camions à eau, s’asseyant devant eux. Pas clair cette situation... Tiens, France Info qui veut mon témoignage sur les incidents de cette après-midi : "Vous voulez parler des trois vitrines du Netto que j’ai vues éclatées ?". "Non, non, des 2000 blessés". "Bon, d’accord, je n’ai rien vu du tout, mais je veux bien témoigner. Rappelez-moi dans une heure, il faut que je recharge mon portable !". Allez hop ! direction backstage du concert "Move against G8" où j’ai mes petites entrées... Interview monumental : "Complètement lamentable ce comportement de la police !! tout à l’heure, ils nous ont bloqué l’accès sur une route pourtant ouverte à la manifestation tel que le parcours avait été arrêté. Là ils sont maintenant quatre camions à eau à encercler la place où il y a le concert. La police allemande avait monté le ton au mois de mai en faisant des rafles contre les mouvements anti-G8 de manière complètement hallucinante ; là, nous sommes sur du lunaire : la police nous provoque parce que nous écoutons un concert !".

Concert. Plutôt sympa ce soir-là, si ce n’était le froid. Superbe retour vers le camp à environ 200 marchant pendant trente minutes au milieu des routes. Arrivée au barrio où l’on retrouve Simon de Strasbourg, qui eut la délicatesse d’apporter une bonne petite bouteille de vin alsacien...

Dimanche 03 juin.

On se réveille un peu tard, je ne retrouve pas mon portable, pas d’heure, il y a déjà pas mal de bruit sur le camp... Pierre, voisin de tente, m’informe qu’il est 7h00. Ah ? Ultra-matinal ce campement tout de même... Je jette un oeil aux douches. Une queue d’une bonne petite heure. Retour à la tente. Non, en fait il est 9h30, la montre de Pierre était restée bloquée. Petit déjeuner. Tranches de gros pain complet avec au choix margarine, purée de pois cassé, fromage sans lait, beurre de cacao... Bon, ce matin, je fais l’accueil, comme la veille en un sens, mais cette fois-ci de la Co-présidente de attac-France et de son amoureux. C’est bien d’accueillir les huiles du mouvement social. Le délégué permanent à Berlin de Radio France me rappelle pour savoir où je suis. Sur le camp de Rostock, pas de problème ! Son chauffeur de taxi ne veut pas l’emmener, il dit que c’est bloqué. Ca ne l’est pas, mais bon... pire que le Bronx la zone du camp mine de rien ! J’assiste à la seconde AG du barrio ATTAC. Toujours autant en allemand. Arrivent Aurélie et Wilfried, je leur indique un charmant petit coin où placer la tente. Le gars de Radio France arrive, il est servi pour son interview : la secrétaire attac-Suisse, la Co-présidente attac-France et Nikolaz en personne !! Il commence par Aurélie en lui posant quelques questions. C’est assez flippant, il va poser à nous trois les mêmes questions, on assiste donc aux réponses des questions qui vont nous être ensuite posées... ouh là, qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire d’autre ?? en fait non, ses questions s’enrichissent des réponses précédentes. Voilà, il nous a tous les trois en boîte ; je lui présente également Pierre qui est entre autre la personne ayant installé le Wifi sur le camp ; il apprendra ainsi qu’il existe des médias indépendants type IndyMedia...

Allez, je prends mon drapeau attac et on file à cinq à la manif’ sur l’agriculture mondiale. En sortant du camp, je croise les No Vox qui viennent s’installer : mettez-vous par là-bas, moi, je suis au barrio ATTAC. Petite fouille de sacs en sortant du S-Bahn. Le cortège est à ce moment assez réduit, 1000 personnes. Le Pink Block est là. Manif’ assez colorée. On part vers le centre ville depuis le LiDL où était le point de rassemblement, passant devant les Burger King, McDo et autres Fast & Fat Pizza. Ça fait une bonne trotte jusqu’au centre ville. On est maintenant un petit groupe de 3000 / 5000 personnes lorsqu’on arrive au point terminal.

Je tombe sur la délégation Solidaires avec laquelle je vais manger un sandwich au poisson sur le port. On commente la manif’ de la veille, un peu consternés devant le comportement incompréhensible de la police. Direction Assemblée des précaires et des sans à l’église Saint-Nicolas. Une petite quarantaine de personnes. Je profite des toilettes, parce que celles chimiques du camp... et oui, aucune toilette sèche, encore heureux qu’il ne fasse pas trente degrés... Gérard de AC ! qui a suivi les marches pour attac-France me dit que attac-Allemagne vient de produire un très mauvais communiqué par rapport aux "violences" de la veille. On refile sur le port pour les concerts. La petite délégation Solidaires s’en retourne vers la gare pour ses quinze heures de train avant de rejoindre Paris. Je retourne au camp. Je sens comme des regards étranges lorsque j’arrive avec mon drapeau... Je croise Florence qui me rappelle qu’il y a le repas des attac d’Europe ce soir. Ah oui, c’est vrai... une petite douche, une grosse bière avant tout.

Au repas on est une bonne trentaine dans une petite salle. Il fait assez chaud. attac-Allemagne ouvre l’échange en annonçant qu’elle pourrait ne pas soutenir les actions de blocage au vu des incidents de la veille, qu’elle a été obligée de répondre sévèrement aux actes violents commis par certains lors de la manif’ vu qu’elle avait travaillé pendant un an pour calmer les esprits et faire en sorte que le mouvement d’opposition au G8 ne soit pas criminalisé a priori. En gros on trouve deux blocs : attac-Allemagne, attac-Autriche et attac-Suède qui dénoncent les violences des manifestants ; attac-Belgique, attac-Suisse et attac-France qui les regrettent et dénoncent les provocations policières... attac-Japon était là aussi : je n’ai pas compris un seul mot de leur intervention... Toujours est-il qu’il est hors de question que le bloc Belgique-France-Suisse se retire des actions de blocage !! Personne ne le fera finalement.

Retour au camp à pied, on a raté le S-Bahn...

Lundi 04 juin.

Encore une belle matinée qui ne commence pas des plus tôt... le point de la matinée consiste à comprendre ce qui circule dans la presse... une rumeur circule que le barrio Black voudrait virer ATTAC du camp suite à des déclarations de l’un de ses responsables, Peter Wahl... c’est gai ! La presse relate que ce Peter Wahl aurait prononcé un anathème contre la scène autonome du Black Bloc du samedi dernier. Reste maintenant à penser à une communication attac-France... J’essaie des trucs pour un communiqué. Les informations se suivent et se contredisent. Allez hop ! partons vers la manif’ "Liberté de circulation" de la Journée. Ce qui est bien, c’est que je ne sais pas trop d’où elle part... on arrive au centre-ville, on descend du tram, on attend... et voilà vingt fourgons de police qui passent sirène allumées. Il suffit de les suivre. J’appelle les No Vox pour savoir où ils sont. Bloqués dans un endroit perdu... je me mets en route, je repasse par devant le LiDL de la veille, des flics en nombre... je suis sur la bonne voie !! et en effet, vingt minutes plus tard je tombe sur la manif’ bloquée par des fourgons et des autopompes, encerclée par des flics à pied et casqués. La couleur dominante sur cette manif’ est plutôt le noir. Je retrouve une partie des No Vox et essaie de comprendre ce qui se passe. Personne ne sait trop sinon que ça fait une heure que la manif’ est bloquée... Encore quelques dizaines de minutes à attendre et on part en cortège, sévèrement bien encadrés par deux cordons de flics sur les côtés de la route.

Une femme, voyant que je parle français, me demande si je ne veux pas l’aider à retrouver une personne avec qui elle est venue et si jamais je l’aperçois de lui dire de rester avec les No Vox sous le drapeau du DAL. On marche sur des routes bordées de bois, c’est sympa. Chaque route perpendiculaire fait état de plusieurs fourgons. Je retrouve la personne à la personne perdue devant le LiDL. On continue à parler. Lorsque je lui dit que je suis de attac, elle me regarde et me demande si je ne serais pas Nikolaz !! ouah, cette célébrité... elle, c’est Franca, de attac-Reims avec qui j’avais échangé plusieurs fois. Elle est à fond sur les procès de Gênes où elle s’était retrouvée au milieu du feu... On continue la route avant d’être une nouvelle fois bloqués à l’entrée du centre-ville. On attend des plombes. Les clounes distraient l’attente, untel qui nettoie le bouclier d’un flic avec un chiffon, tel autre qui passe un coup de poussiérette sur les épaules et le casque d’un autre, encore un qui se glisse dans le cordon qui nous entoure, plein de photos prises, les flics à côté qui s’éloignent, regardent leurs pieds, ne savant plus trop où se mettre, c’est au final un trou de cinq mètres autour du cloune, avant que des anti-émeutes sérieux ne prennent le relais.

A la sono, on nous dit que le passage par le centre-ville nous est interdit : le dispositif policier en place pour assurer la sécurité était prévu pour 2 000 personnes, nous sommes 10 000 — première fois que j’entends la police grossir un chiffre de manif’, nous sommes 8 000. Ensuite on nous dit qu’il y a trop de gens tout en noir dans cette manif’. Un Naked Bloc d’une quarantaine de personnes se forme alors et va vers la police... ça fait plus d’une heure qu’on est là à attendre, l’ambiance est quand même plutôt au rire. Les discussions entre organisateurs et police continuent. Au final : la police refuse que l’on passe par le centre-ville et veut bien que l’on rejoigne le port comme convenu sans passer par le centre-ville et que l’on quitte la manif’ par petits groupes. Ca fait deux heures qu’on est là, il ne pleut pas mais c’est moins deux... on accepte, il est bientôt 19h00, la manif’ aurait dû finir vers 15 / 16h00... on quitte donc la manif’ par un petit groupe de 8 000 personnes qui se dirige vers le port en contournant le centre-ville. Voici une dissolution de manif’ à l’allemande : on est toujours aussi nombreux, les sonos sont éteintes, il n’y a plus de flics pour nous encadrer !!

Je croise Pierre qui filme tout ça. Peu à peu on se retrouve en fin de cortège. Je me retourne : le sursaut ! ils sont 300 flics à nous suivre à pieds plus une trentaine de fourgons. Arrivée au port. Tom Morello — l’ancien guitariste de Rage against the machine — qui nous fait un acoustique pouvant percer des tympans. Je profite des accès de Pierre au bureau attac du backstage pour récupérer un accès "Crew" donnant droit à recharger son portable, consommer au bar tranquille à l’abri du vent, mais pas les repas offerts par contre... Nouvel interview sur ce que je pense des violences... "attac est un mouvement non violent, nous ne pouvons pas tolérer la violence par exemple de ces morts pour cause de malnutrition en raison d’un gouvernement planétaire G8, OMC, FMI, Banque mondiale qui saccage la planète... ah ? les violences de samedi dernier... bah écoutez, si certaines personnes profitent de manifs’ pépère pour caillaisser la police, ça je le dénonce, c’est de l’instrumentalisation d’un mouvement de masse et ce n’est pas respecter la diversité des tactiques ; s’il s’agit des attaques ciblées contre des centres financiers avec des dégâts uniquement matériels, ça relève de chacun, je ne trouve pas ça des plus fins, mais si un groupe souhaite agir de cette manière, qu’il le fasse sans impliquer physiquement des personnes qui ne voudraient pas le faire..."

Je m’en retourne avec Pierre et une autre Strasbourgeoise vers la gare pour prendre un S-Bahn. Aurélie m’appelle. Les attac d’Europe boivent un coup au centre-ville. Allez, il ne faut pas manquer cela... c’est un bar ouvert, il a enlevé ses panneaux de bois posés sur ses vitres pour la manif’ du 02 — le vendredi 1er, lorsque je suis passé pour rejoindre le camp le soir, il avait déjà protégé ses vitres mais restait ouvert !! Je cherche à acheter un paquet de cigarette au distributeur automatique : pas possible, il faut la carte spéciale comme quoi tu as plus de 18 ans. T’as beau mettre ta carte bancaire, on te suspecte d’avoir moins de 18 ans quand même. La serveuse me règle tout ça...

Retour au camp. Tiens, le petit drapeau attac flottant au vent au pied de ma tente a disparu. Pour le drapeau, ce n’est pas gênant, j’expliquerai sans problème à Paris-centre que leur drapeau a été volé à cause des interventions incontrôlées de Peter Wahl dans la presse. Pour le piquet d’auvent emprunté à la tente d’à côté, ça va être plus compliqué à expliquer... Petite douche, au dodo au côté de Florence.

Mardi 05 juin.

Petit lever pas si tôt que cela. Dans la tente, on entend les bruits du camp qui s’active dès 7h00 le matin. Les haut-parleurs qui annoncent les départs en manif’, l’état de la présence policière, quelques autres infos... Aujourd’hui, c’est la Journée anti-guerre. Je n’ai pas trop suivi les actions de la journée. Il y a la manif’ en milieu de jour, l’accueil de Georges Bush à 18h00 à l’aéroport de Rostock...

Dehors, le temps est toujours aussi nuageux. Si l’on peut espérer jusqu’à 10h00 qu’il y aura des éclaircies, à partir de midi il faut penser à prendre quelque chose pouvant protéger de la pluie. Je m’installe au pied de la tente tentant de voir les points à mettre en avant dans un communiqué : superbe manif’ unitaire du samedi émaillée hélas de provocations policières qui ont dégénéré, les Journées internationales thématiques et les nouvelles provocations policières, le début du Sommet alternatif ce soir, les actions de blocage pendant trois jours à partir de demain... Je n’ai pas l’inspiration pour rédiger mon truc. Je fais un tour dans le camp. Il y aurait un rassemblement je ne comprends pas trop où pour une manif’ Palestine et un autre devant des locaux de EADS à Warnemünde, pointe Nord de la ville sur la Baltique, petit port sympathique, où en novembre lors de la seconde réunion internationale de préparation du Contre-sommet nous nous étions le samedi soir échappés avec Florence, Nicolas de la Brigade Activiste des Clowns et Maxime du réseau IPAM des petits pains au fromage et à la viande lors d’une grande soirée punk rock assez bourrine dans notre gymnase d’une banlieue désertique.

Un journaliste de RMC qui me rappelle. Nous avions déjà fait un interview téléphonique. Il souhaite savoir s’il peut dormir au camp. Je lui explique que la presse n’est pas la meilleure venue, mais vu qu’il est de la radio, ça peut mieux passer. Je retourne à la tente du barrio, je connecte mon portable et avec Wilfried on essaie d’avancer sur ce communiqué... Comment prendre nos distances avec les positions de Peter Wahl sans trop non plus se désolidariser ??? Il faut que ce communiqué parte au plus tard en soirée, ce qui nous donne quand même le temps d’aller à la manif’. On récupère Aurélie et Jean-Marie de attac-Belgique et on file à la station de S-Bahn. Toujours une dizaine de flics qui surveillent les voies depuis la passerelle. Un autre petit groupe nous intercepte à l’entrée de la passerelle et fouille nos sacs. Encore une fois, le train qui nous emmène à Warnemünde est bondé. Arrivée à notre gare de destination, le quai est rempli, la passerelle passant au-dessus des voies noire de monde. On suit, ça n’avance pas... on voit à l’autre bout de la passerelle une vingtaine de flics qui fouillent les sacs. On avance au pas. Sur la passerelle, je ne sais quelle section de je ne sais quelle internationale se met à brailler son slogan habituel : "Ah ! Anti, anti, anti-capitalista ! Ah !" et à sauter au même rythme. Je crains pour la stabilité de la passerelle...

Une fois sorti de cette attente, je fais un tour au centre commercial au pied de la passerelle, j’achète au LiDL du gros pain complet et quelques bouts de fromage pour des sandwichs. On est peut-être 3 000 lorsque le cortège se dirige à travers la ville. Au mégaphone, on nous prévient que cette manif’ sera longue ; une espèce de parcours touristique en somme : une fois arrivé devant tel lieu où il y aura des prises de parole, on reprendra le S-Bahn vers un second lieu symbolique de l’armement. On marche 20 minutes, premières prises de parole, en allemand, puis traduites en anglais. Ça n’en finit pas... On se tâte pour rentrer au camp, finir le communiqué... on retrouve Florence... on met ça en note sur papier, qui reste dans la manif’ ? qui rédige la version finale du communiqué ? Bon, finalement, on reprend à cinq le S-Bahn, se dépêchant avant que la troupe ne le prenne également pour rejoindre son second lieu de manif’...

Sitôt monté dans le train, Radio Algérie qui m’appelle : ils ont besoin d’une personne arabophone qui pourrait leur parler du G8... c’est con qu’il y a ce communiqué à rédiger, sinon, j’aurais volontiers appris l’arabe... "Je vous rappelle dans l’après-midi, je dois pouvoir avoir ça sous la main !"
Et ça y est, on le finit ce communiqué commun attac-Belgique, attac-France et attac-Suisse !! A 20h00, c’est le repas des attac d’Europe. Pas trop envie d’y aller... à 17h00, c’est la plénière d’ouverture du Sommet alternatif. Il faudrait que j’aille y faire un tour tout de même pour en mesurer l’ambiance. On se propose avec Jean-Marie d’y aller pour 17h30. Aurélie et Wilfried ramassent leurs affaires pour leur train de 20h00. Florence disparaît. Je reste avec Jean-Marie à discuter. Gros coup de pluie, pas très long, mais suffisant pour rendre une grande partie du camp sous forme de boue. Et comme je m’y attendais en arrivant, pas grand chose de prévu pour remédier à cela, type des planches, des copeaux de bois, du sable... On se planque sous la tente du barrio, le portable de Aurélie sonne, je décroche comme convenu. France Inter qui veut un interview en direct lors de son émission nocturne. Aurélie sera dans le train, je m’y colle. Un autre appel, cette fois-ci sur mon portable : "On peut se voir ? je suis au Sommet alternatif..." "J’y arrive dès qu’il a cessé de pleuvoir". Éclaircie, j’ai perdu Jean-Marie. Seconde pluie, des flaques d’eau un peu partout, les pieds qui s’enfoncent dans la terre. Le journaliste de RMC qui arrive. Il a posé sa tente. Je lui donne accès aux connexions de la tente du barrio ATTAC s’il a du boulot à faire plutôt que d’aller au backstage sur le port. On arrivera finalement au Sommet alternatif avec Jean-Marie vers 20h00, lorsque tout le monde sort de l’église Saint-Nicolas. La salle était pleine, une chaleur du diable ici. J’appelle mon journaliste de tout à l’heure, je retombe sur mon gars de RMC. Zut ! et tant pis pour l’autre...

Jean-Marie file au repas des attac d’Europe, je file sur le port pour la dernière soirée des concerts. Je profite de mon petit accès "Crew" pour me mettre à recharger mon portable, prendre une Rostocker Pilsener moins chère. Pierre est là à mettre en ligne des trucs. Je bois ma Rostocker devant le concert. Assez trash comme musique, ce n’est pas la foule non plus... 22h00 approche, je pars accueillir Claudine à la gare qui intervient demain au Sommet alternatif dans un atelier commun avec la Marche mondiale des femmes, histoire que je l’emmène au camp. attac-Agen m’appelle pour me dire qu’ils arrivent à neuf jeudi midi. A la gare, beaucoup de monde, mais pas de train qui arrive de Hambourg avant 23h00, pas de Claudine non plus. Elle n’a pas de portable... bon, tant pis, après tout elle ne sait pas que je voulais l’accueillir, je rentre au camp...

Là-bas, l’ambiance est celle d’une veille d’action. Un grand feu devant la tente ATTAC, grillades. Ça discute partout par petits groupes, ça prépare son sac... bon, il est où mon groupe affinitaire avec Pierre ? et qu’est-ce qui s’est dit sur le déroulement de la journée de demain ? je fais le tour du barrio, frontale à la main plongée sur le sol pour distinguer les flaques de boue, je passe aux cuisines collectives, sous la tente culture où un cabaret militant représente... retour à la tente du barrio où je croise enfin Pierre qui me dit qu’ils sont à la tente du barrio "X-millionième fois". Mais là pas possible j’ai mon direct sur France Inter... 20 minutes après, je découvre mon groupe affinitaire, je me présente, on m’accepte. L’affinité basique de ce groupe est le partage de la langue française. Il se range dans la catégorie 2 — la 1, ce sont les groupes qui feront tout pour entrer dans la zone rouge délimitée par la barrière de 12 km ; la 3, ce sont les groupes qui dès qu’ils voient un flic s’en vont ; la 2, ce sont les groupes qui feront les barrages et admettront d’être délogés des routes après être restés le plus longtemps possible à bloquer. Nous sommes dans le doigt bleu foncé. Je demande si un journaliste radio de RMC peut se joindre à nous, il sera là à la fois en tant que militant, donc interne au groupe affinitaire, et en tant que journaliste radio témoin des actions. Petit débat sur la presse. Le fait qu’il soit de la radio joue en sa faveur, il sera des nôtres.

Fin de soirée, retour dans les duvets. Florence sera dans un groupe avec Jean-Marie et Sven, doigt bleu clair.

Mercredi 06 juin.

5h30. Un gus braille un truc en allemand dans un mégaphone entre les tentes du barrio. 6h00. Les haut-parleurs du camp rappellent les rendez-vous de la matinée. On entend l’activité habituellement de 8h00... Le point de rendez-vous pour mon groupe affinitaire est 7h00 devant la tente du barrio ATTAC. Le nom du groupe retenu est "Bim-Bam". Un peu d’eau sur la figure, quelques tranches de pain complet mouillées de purée de pois cassés, lavage de dents, je suis à l’heure au rendez-vous. Florence part avec son groupe. Le journaliste de RMC vient de faire son direct de 7h00, en direct des camps sur le pied de guerre... il a avec lui sa sacoche avec le matériel d’enregistrement. On attend quelques minutes. Je croise Annie, j’émets des doutes sur cette action de blocage consistant à partir en plein jour... A 8h00 enfin notre énorme groupe affinitaire de 20 personnes plus 6 clounes se dirige vers le S-Bahn. Il est prévu que le groupe se subdivise en deux lors des actions, là c’est pour le déplacement vers le lieu de rassemblement que l’on est si nombreux.

Le S-Bahn est plein. On descend trois stations au Nord, c’est-à-dire plein Est de la zone rouge. On attend à la gare routière. Fourgons de police en nombre à nous observer. Je me dis que c’est vraiment du n’importe quoi. Un francophone seul demande à rejoindre notre groupe affinitaire ; c’est tellement sérieux notre affinité que c’est accepté du premier coup, le nouveau venu portera le numéro 19. Un bus peut nous avancer de quelques kilomètres. On préfère y aller à pieds le long d’une avenue est-allemande ; ce qui me permet d’acheter un peu de tabac et un briquet qui allait commencer à me manquer. On marche, on marche, l’avenue est longue. On est comme ça des groupes de 100, 200 personnes qui marchons. On passe par des lotissements : c’est le bon chemin ? des fourgons à droite à gauche. On arrive en pleine campagne, ça fait une bonne heure qu’on marche. Les semelles de mes chaussures sont éclatées, l’intérieur trempé à cause d’une flaque ce matin au camp à laquelle je n’avais pas fait gaffe. Petite route, barrage policier, fouille des sacs. J’attends, je vois le flic devant moi qui se détourne pour regarder le militant qui arrivait sur ma droite, je passe, d’autres flics après. Je place mon sac entre mes bras, essaie de l’ouvrir pour faire comme si je le refermais après le contrôle, pas le temps, un second flic me demande d’ouvrir mon sac. Citron, foulard, gourde d’eau, plan détaillé de la campagne, talkies-walkies PMR, a priori rien de non autorisé sur les manifestations allemandes... On repart. "Bim-bam ! Bim-bam ! Bim-bam !" C’est le moment où il faut se recompter, s’assurer que personne n’est resté en plan : "1, 2, 3..." chacun crie son chiffre. C’est bon, on arrive jusqu’à 19. On traverse un petit village, on regarde la carte pour bien comprendre où l’on est : "ah oui, on a déjà fait six bornes, il en reste dix pour atteindre la zone rouge et deux pour atteindre la zone sensible", celle où tout rassemblement de plus de trois personnes est illégal, cage d’escalier ou pas.

On arrive à un espace de jeu, de la taille d’un terrain de foot. Il est noir de monde, ça déborde sur les talus. La police est là entre nous et le champ qui nous mène à la zone rouge. Ils s’en vont. Je retrouve Florence et Sven. Sven a l’air préoccupé, peut-être parce qu’il a mené bataille en interne de attac-Allemagne pour ne pas se désolidariser des actions de blocage. Il est l’une des rares personnes à porter un drapeau ATTAC. J’ai les pieds en compote. Le lancement est donné, on voit le drapeau bleu foncé flotter à l’avant du groupe, on se dirige vers lui. On coupe à travers le champ de blé qui bordait l’espace de jeu, on est un gros bloc d’au moins 3 000 personnes à avancer ainsi. On voit sur notre gauche à 1 km un autre cortège qui avance, sur la route à notre droite des déplacements de fourgons de police dont on s’éloigne par notre trajectoire à travers champ.

On marche sur des blés couchés par nos pas. On essaie de ne pas se perdre, de rester un groupe de 19. "Bim-bam ! Bim-bam !", on se recompte... c’est bon, on continue. Le journaliste RMC marche avec nous, son bloc-note entre les mains pour préparer son direct de 12h00. A 8h00 et 9h00, il se mettait ainsi en retrait pour passer au journal de RMC.
Quelques kilomètres de marche, on voit au loin une route sur laquelle on se dirige, quelques fourgons de police présents. Ça y est, on approche, on distingue mieux, on compte le nombre de fourgons, une quinzaine. Les membres de Bim-bam se donnent la main à l’approche de la route. Les flics sont espacés de trois mètres chacun. Morgane avec qui je suis — l’une des personnes de Nantes venues par EuroLines et dont c’est le premier Contre-sommet — me fait part de sa montée d’adrénaline. Les premières lignes du cortège passent sur la route, les flics sont débordés, ils resserrent les rangs, faisant des moulinets avec leur matraque, un air vicieux sur leur visage, gueulant comme ce n’est pas possible "Züruck ! Züruck !". Les personnes qui passent à ce moment-là reçoivent des coups dans les bras, dans les côtes. On se replie à quelques mètres dans le champ. Une autopompe arrive et commence à arroser la partie droite du cortège. Tout le monde est content : de l’eau ! c’est la première journée sans nuage à Rostock, il fait chaud...

Radio Algérie me rappelle pour une interview. C’est vachement le moment... "Rappelez-moi dans une heure si c’est possible !" Bim-bam est cassé en deux, certains sont passés. D’un autre côté, on est moins nombreux, ça va être plus simple pour la prise de décision. A droite, à gauche ? on choisit la droite en longeant les fourgons de police. Ils ne sont pas assez nombreux pour barrer la longueur entière de la route, il y a un moment où il y aura des trous. D’autres groupes sont déjà partis, soit sur la droite soit sur la gauche, d’autres restent devant l’autopompe. Assez rapidement en effet, le dernier flic sur la partie droite est atteint : on repasse sur la route et filons dans le champ suivant, avec devant nous des petits groupes qui débarquent dont ne sait où sur les côtés, un gros cortège devant. On continue, deuxième champ. On fait un point sur la carte : okay, la moitié du chemin est parcourue. Je passe l’une de mes deux PMR à Marie de Suisse au cas où l’on se perde. Ça c’est aussi de l’organisation d’exception : on n’a aucune raison de se perdre plus que d’autres personnes, vu que les sous-groupes affinitaires Bim-bam ne sont pas définis...

On se dirige vers le gros cortège que l’on voit devant nous à environ un kilomètre. On continue à plier les blés. Seconde route en vue, les fourgons de police dessus. On s’attend à une barrière plus dure que la précédente : ils ont été débordés la première fois, ils vont renforcer le dispositif au fur et à mesure que l’on approche de la zone rouge... On choisit de prendre sur la droite direction le village. Radio Algérie me rappelle, je n’ai que des bruits bizarres au bout du fil. Je raccroche. On doit en tout être deux cents à se diriger vers le village par petites grappes. On contourne un plan d’eau ombragé. Des habitants nous regardent hallucinés de voir cette foule dans les champs, certains nous encouragent, nous indiquent des lieux de passage. On trouve un espace entre deux maisons nous amenant à la route. Cinq flics se mettent sur la route. On n’est pas nombreux, on lève les bras en l’air en avançant et scandant "Keine Gewalt !" - Pas de violence ! On se rapproche, on est sur la route, on file dans le troisième champ, le dernier.

On se recompte, on fait le point. Direction les trois éoliennes à environ deux bornes devant nous. On voit se dirigeant également vers ce lieu des grappes de personnes, quelques drapeaux PACE ou noirs flottant au vent. Arrivée aux éoliennes, on aperçoit au loin la troisième route, celle sur laquelle il faut être. Sur le point le plus proche de la route, un max de fourgons, deux ou trois autopompes, des anti-émeutes qui commencent à avancer dans le champ pour nous bloquer aussi à ce niveau. On choisit de contourner les anti-émeutes en nous dirigeant vers le bois. La PMR émet... Marie me demande combien nous sommes de Bim-bam : huit ! "De notre côté, 7, on est au niveau des maisons." "Où ça ?" "Il y a un grand drapeau noir et dix mètres plus loin un drapeau du SAV" "Okay, c’est bon, on se dirige vers vous". Les anti-émeutes ne sont pas assez nombreux, leur cordon s’arrête au bout de cent mètres. On rejoint sans problème les maisons. Là, un résident met à disposition son robinet de jardin pour que l’on remplisse chacun/e notre gourde. A droite ? à gauche ? Un groupe a essayé le côté droit : pas de chemin qui ramène à la route. Et bien, ce sera le côté gauche... on est un petit groupe de 300 lorsqu’on arrive sur la route. On s’assoie, défaisons les lacets des chaussures, sortons la nourriture. Des flics devant nous qui ne bougent pas. Des flics derrière nous qui ne bougent pas plus. On se repose une petite heure avant que les flics viennent négocier avec nous : "Bon, écoutez, entre votre blocage et celui derrière vous, il y a 30 fourgons. Les agents aimeraient bien se reposer, ça fait depuis ce matin 6h00 que la plupart d’entre eux travaillent." Éclats de rire. "Ils n’ont qu’à rentrer à pieds, on est pour la liberté de circulation, on ne va pas les empêcher de rentrer chez eux !!" Ils sont quand même plus nombreux que nous et on ne réussira pas à les bloquer plus d’une heure supplémentaire : leurs fourgons passeront sur le trottoir...

Je me dirige vers l’autre point de blocage derrière nous. Juste derrière, à 500 mètres après un tournant. Il y a bien 1000 personnes. Je reviens sur notre petit blocage. La question débattue est de savoir s’il faut fusionner avec le groupe de derrière ou pas. Marie et Yoann de Suisse doivent rentrer ce soir pour Berlin, le journaliste RMC doit également rentrer au camp. Je profite de leur départ pour me joindre à eux, n’ayant pas de matériel pour passer la nuit sur place ni l’envie de me taper 18 bornes à pince... On reprend la route, on remonte le barrage derrière le nôtre qui s’étale sur deux cent bons mètres, on tombe sur un carrefour avec plein de fourgons. On choisit de prendre la route vers le Nord en direction d’un village à deux kilomètres plutôt que par les champs vers Rostock... Sur la route, un autre petit groupe d’une grosse centaine de personnes est planté sur la route. Des voitures en approchant font demi-tour. On est quelques dizaines à s’en retourner vers Rostock par ce chemin. Hop, il est 18h00, c’est l’heure d’un direct sur RMC. On arrive au village : direction le bar pour y prendre une Bradwurste, une Rostocker Pils, appeler un taxi, le tout sur la note de frais de RMC...

Arrivée au camp, il est 19h00. Le camp est plutôt vide. J’ai des super coups de soleil. Douche. Un hélicoptère survole le camp à faible altitude et prend des photos ; ce qui n’était pas arrivé depuis le début... la police ne semble pas contente de sa journée ! Une personne passe entre les tentes pour annoncer que le camp est encerclé par la police. Oups, je suis complètement claqué... je reprends une connexion Internet à la tente du barrio. Rien de spectaculaire à lire en français. Des images des blocages qui circulent déjà, assez impressionnantes. Les trois points d’accès ont été bloqués, la porte Ouest aurait été délogée fermement en soirée. Je croise trois personnes de Nantes parties avec EuroLines qui m’expliquent n’avoir rien fait de la journée, elles ont été bloquées continuellement par la police dans les transports publics. Marie et Yoann reviennent poser leur tente : en raison des contrôles, ils ont raté leur train.

La nuit commence à tomber, je file sous la tente culture où il y a un espèce de truc assez peu entraînant. Sophie, autre stagiaire chez attac-Allemagne, qui cette année semble donc avoir été noyautée par attac-France, est contente, sa mission de stage est terminée, c’est la dernière soirée du programme culturel du Contre-sommet. Je croise Gérard mangeant sa salade vegan du camp. Je lui offre une bière. Lui aussi s’est fait volé son drapeau... ça fera deux drapeaux de moins à Paris-centre... Un gars arrive. On passe avec lui à l’extérieur de la tente, debout dans l’herbe pour une petite interview sur la journée des blocages. C’est pour mettre en ligne sur le site de AC ! Ce sera finalement une conversation d’une heure. J’ai envie de pisser, j’ai envie de dormir...

Je retourne à la tente du barrio sécuriser mon portable. Le copain de RMC est toujours là à bosser et préparer ses directs du lendemain matin... A 1h30, c’est bon, je suis dans mon duvet.

Jeudi 07 juin.

"Nicolas... Nicolas..." Je passe la tête hors de la tente. Une fille de la tente Info du camp qui m’explique qu’elle vient d’être appelée par un groupe de Françaises-ais perdu dans les zones de blocage. Je prends mon portable et file vers la tente Info. Il est 5h30, le camp est calme, un beau ciel bleu du matin. Je croise Florence à discuter devant les dernières braises d’un feu devant la tente du barrio ATTAC. Je lui explique que je continue à faire le GO... A l’entrée du camp, un petit groupe qui attend pour partir renforcer les lieux de blocage, permettre la relève de celles et ceux qui ont dormi sur place. Je croise Ben que je n’avais pas encore vu ici.

A la tente on me passe un numéro de portable que je rappelle. Je tombe sur une Allemande qui me passe Anaïs, une Nantaise montée par EuroLines. "On est quatre à être coincé dans un champ, il y a des flics partout autour de nous, si on bouge ils vont nous voir maintenant qu’il fait jour, on ne trouve pas le point de blocage..." Je prends la carte des blocages avec leur localisation en temps réel. "Vous êtes partis d’où, pour rejoindre quel point, et vous êtes où maintenant ?" "On ne sait pas, on n’a pas de carte !" "Il y a quoi de remarquable autour de vous ?" Bon, petit à petit, je comprends qu’ils sont au niveau du carrefour que l’on a traversé la veille en rentrant où il y avait plein de fourgons. "Vous voyez les éoliennes sur votre droite à 500 mètres ? Le lieu de blocage est sur la route au niveau des éoliennes sur la route qui file devant vous un peu sur votre gauche. Coupez la route, allez aux éoliennes, prenez à gauche toute." "Ce n’est pas plus prudent de prendre par notre gauche via les bois ?" "Peut-être, mais je ne connais pas la configuration du terrain..."

Je retourne à la tente, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire maintenant ? Je peux attendre 9h00 l’atelier des attac d’Europe au Sommet alternatif... j’ai dit la veille à Claire qu’on n’avait qu’à y aller ensemble en partant d’ici vers 8h15. Je commence à dédicacer quelques bouquins ATTAC Le G8 Illégitime. Un pour Florence, un autre pour Jean-Marie, un dernier pour Pierre... Anaïs me rappelle : "On tombe sur un contrôle, ils nous ont vu..." Florence vient se coucher. Bon, l’atelier des attac d’Europe repassera une autre fois, grasse matinée sous une tente qui devient rapidement une étuve... A 10h00, on s’agite. Je reçois un appel de attac-Agen qui me dit qu’ils arrivent bientôt, là ils sont à Hambourg. Je leur indique le chemin pour rejoindre le camp une fois à l’arrivée de Rostock. Wilfried m’appelle et me demande de préparer un communiqué "Infos du jour"... on fait ça avec Florence en début d’après-midi. On le centre sur le succès des blocages de la veille et qui aux dernières nouvelles vont tenir jusqu’au vendredi. Deux gars de Bavière arrivent à la tente du barrio et demandent les infos pour rejoindre les lieux de blocage : ils ont vu ça aux infos allemandes la veille au soir, ils ont pris illico leur voiture pour venir ici. La population locale qui vit dans une zone militarisée depuis plusieurs mois soutient également les blocages, en apportant de l’eau, du café, de la nourriture. Il y a toujours environ 3 000 / 5 000 personnes en permanence sur les lieux de blocage.

attac-Agen arrive. Je leur explique brièvement la vie sur le camp, les endroits où mettre leurs tentes, leur mini-bus. Ils choisissent l’espace Hédoniste, un peu en marge du camp, et d’où un sound-système balance sa techno en soirée. Je balance le communiqué sur attac-France. Florence et Alvin font la traduction en allemand pour la diffusion sur les listes de attac-Suisse. Je pars au LiDL d’à côté acheter quelques produits de consommation courante. Je reviens et tombe sur l’ami de RMC. Allez hop ! une dernière interview sur ce que je pense de la déclaration du G8 sur le changement climatique : "Si c’est comme en 2005, ça ne va pas aller loin, aucune mesure chiffrée, juste une déclaration d’intention photogénique à mettre en avant devant les médias."

Je discute quelques temps avec Jean-Marie. Je pars manger vegan à la cuisine populaire du camp avec attac-Agen. Je croise une partie de Bim-bam qui était restée la nuit dernière sur le blocage, qui revient après quatre heures de marche. On se met sur la pelouse, maintenant qu’elle a été bien séchée par deux journées de soleil. La nuit tombe. A l’espace Hédoniste, des films sur les actions de la semaine sont diffusés sur écran géant, accompagnement musical techno... il y a comme un esprit de relâchement ce soir ; on sent que c’est pour beaucoup d’entre nous le dernier ici...

Je pars me coucher.

Vendredi 08 juin.

Réveil au petit matin, 7h00. Florence a disparu. Je me lève et commence à ramasser les bouts de papier, les canettes, les capsules, tous les trucs qui traînent dans un périmètre assez large. J’occupe mon temps comme je peux, ce matin le camp se lève plus tard que d’habitude... je projette de partir à midi pour la gare, déposer mes affaires à la consigne et rejoindre le départ pour la manif’ de clôture. Il y a aussi une manif’ à Bad Doberan vers 12h00, mais je ne comprends pas trop si c’est celle où les différentes équipes de blocage se retrouvent avant de rejoindre Rostock et la manif’ finale ou pas... Je tombe sur Florence qui m’explique devoir partir de toute urgence, son avion à Berlin est deux heures plus tôt qu’elle ne pensait. Bon retour en Suisse !!

Je range mes affaires, plie ma tente. On me réquisitionne pour plier les bancs à l’intérieur du chapiteau Culture. Une chaleur là-dessous ! Je retrouve ma troupe Bim-bam... rassemblement à midi devant la tente du barrio ATTAC. J’en profite pour écouler des bouquins ATTAC, je les propose au prix éditeur : 2.40 euros au lieu de 3.00 !! Un couple de Perpignan n’a pas la monnaie : ce n’est pas grave, c’est gratuit !! Je suis venu avec trente livres, je ne vais pas me les retaper tous pour le retour... j’en laisse quatre à attac-Allemagne. A 13h00, finalement on quitte le camp, j’ai laissé le petit bouquin G8 Illégitime pour Pierre dans sa tente, il n’est pas encore rentré des blocages. En arrivant vers la gare de Rostock, on voit un groupe d’un petit millier de personnes défiler dans une rue et se diriger vers le port. Toujours autant de fourgons pour l’encadrer de devant, de derrière, et flics à pied sur les côtés. La consigne de la gare, ça va finalement consister à poser nos sacs sur le tas déjà commencé dans le coin de la consigne. Je prends juste avec moi mon sac avec mon ordi portable.

Radio Rwanda m’appelle pour une déclaration sur la déclaration des Huit. Mais c’est que je ne la connais pas moi cette déclaration, j’étais au Contre-sommet, j’avais autre chose à foutre... "Un truc sur la dette ?" "Oui, okay, allez-y !" Je suis rappelé du studio : "Le G8 peut accorder toutes les aides qu’il veut, comme cette année ces 60 milliards de dollars pour lutter contre les pandémies du SIDA, contre la tuberculose, la malaria et toutes les maladies, tant que les mécanismes de la paupérisation du Sud, notamment celui de la dette, ne seront pas attaqués, nous resterons dans un schéma caritatif. Jamais le G8 ne s’en prendra aux cause structurelles de la pauvreté dans le monde." On rejoint le port. La grande scène "Move against G8" a été démontée. Des prises de parole en allemand, parfois traduites en anglais. Vu que j’étais parti avec des affaires pour une semaine pensant pouvoir laver cela à la main et les faire sécher au soleil et que ça n’a pas été trop le cas, je m’achète un tee-shirt pour le lendemain. Les prises de parole ne s’arrêtent pas. A un moment, on ne comprend pas trop, un groupe part en cortège pendant que ça continue à parler. Ils ne sont pas nombreux à partir... elle manque peut-être un peu de coordination cette journée... On se propose un café en terrasse en attendant l’heure du train. Je propose que l’on aille à l’autre bout du port dans un espace artistique auto-géré. Le temps qu’on y arrive, que l’on commande nos bières fraîches à boire sous un soleil du tonnerre, on se dit qu’on prendra finalement le train suivant de 19h00... On reste là sous la chaleur à attendre notre train et repartir pour la gare. Le couple de Perpignan repart au camp pour y passer sa dernière nuit et prendre le lendemain le ticket ferroviaire du week-end à 33 euros pour cinq personnes. On prend nos tickets. Je fais passer le ticket collectif cinq personnes Rostock / Hambourg sur ma note de frais : ça coûte même moins cher de trois euros à attac-France que si j’avais pris un billet individuel...

On achète fromage, viande, pain et bières à l’épicerie de la gare pour le voyage. Gare de Hambourg ; on part vers la gare routière juste à côté où certains ont déjà leur ticket EuroLines réservé pour retourner sur Paris. Je retrouve Jean-Marie qui prend le même EuroLines pour s’arrêter à Bruxelles et qui me montre le Hamburger Truc faisant sa Une sur le fait que la police a infiltré le Black Bloc du samedi dernier avec dans l’article un passage comme quoi l’une des grandes perdantes de ce Sommet aura été la démocratie en Allemagne. Un très bon point, ça !! Je reste avec Kevin et Morgane qui prendront l’EuroLines de demain, 5h00. Vue l’heure, plutôt que d’aller au Centre de convergence chercher où dormir pour quelques heures, on s’installe sur le quai de gare. Il y a comme ça des familles ou des gens seuls avec plein de bagages qui dorment là attendant leur car du lendemain. Le fond de l’air est doux.

Réveil le lendemain matin à 4h30. Coucou aux deux Bretons qui montent dans le car. Direction gare ferroviaire navette pour l’aéroport, arrivée à Roissy à 8h30, Nantes en tout début d’après-midi.

Fin d’un Contre-sommet.

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