José Bové : les activistes de Sivens « sont les enfants de Grothendieck » par PHILIPPE DOUROUX

INTERVIEW

Immense mathématicien, et précurseur de l’écologie radicale, Alexandre Grothendieck est mort ce jeudi, à l’âge de 86 ans.

. Le syndicaliste agricole et élu écologiste José Bové (photo Reuters) qui l’a croisé au début des années 70 souligne le lien qui existe avec les luttes menées à Sivens ou à Notre-Dame-des-Landes.

Comment avez-vous connu Alexandre Grothendieck ?

C’était en 1970 ou 1971, je l’ai croisé quand il organisait dans son garage, dans le garage de la communauté à laquelle il appartenait à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), les premières distributions de produits bio. C’était le professeur du Collège de France qui distribuait le riz bio… Après, j’ai pu le croiser sur le Larzac quand il habitait à Lodève (Hérault), mais il ne se mettait pas en avant, il venait comme n’importe qui, au besoin faire le coup de poing contre les gendarmes mobiles, mais sans jamais se mettre en avant. En fait, c’est à travers ses écrits dans des bulletins ronéotés, comme Survivre et vivre, que je l’ai suivi.

En quoi a-t-il été un précurseur ?

Les textes de Survivre et vivre faisaient le lien entre toutes les luttes : antimilitaristes, antinucléaires, contre la guerre du Vietnam et celles de la vie quotidienne. Alors que Jacques Ellul nous a beaucoup inspirés comme penseur, Grothendieck faisait toujours le lien entre la pensée et la vie de tous les jours. Il avait une pratique radicale de l’écologie, il menait des combats en défendant des modes d’action écolos, anarchistes et non violents, toujours dans le respect de la personne. Mais, quand il fallait dénoncer le stockage n’importe où, n’importe comment de fûts radioactifs à Orsay, sur un terrain du Commissariat à l’énergie atomique, ça ne lui posait pas de problème de fracturer la grille pour pénétrer sur le terrain. Ce que nous avons fait ici ou là, en arrachant des OGM ou contre le McDo de Millau, était dans cette veine-là.

Peut-on faire un lien avec les zadistes ?

Il faut. Que voit-on émerger ? Un lien entre la question des modes de vie et celle de l’engagement écologique. On mène des combats et on change sa vie au quotidien. Il y a une remontée très forte face à l’urgence de la crise écologique que nous connaissons aujourd’hui. C’est ce que portait le slogan Ici et maintenant. La radicalité est la même, on peut dire que les zadistes à Sivens ou à Notre-Dame-des-Landes sont les enfants de Grothendieck.

Philippe DOUROUX

Voir en ligne : http://www.liberation.fr/societe/20...

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