« Libération » a adressé un questionnaire aux grands groupes.

Le CAC client des îles

23/03/2009 à 06h51

Le CAC client des îles

« Libération » a adressé un questionnaire aux grands groupes.

NICOLAS CORI

Interroger les entreprises du CAC 40 sur leur présence dans les paradis fiscaux est une expérience amusante. On récolte gêne, embarras ou un grand silence… Certaines directions de grands groupes font même les morts quand d’autres répondent à côté de la plaque. Libération a ainsi envoyé à une dizaine de grosses entreprises françaises, en ciblant particulièrement les banques, un court questionnaire (1) sur leurs filiales présentes dans ces territoires. Demandant quel chiffre d’affaires y était réalisé, combien de personnes y travaillaient et pour quelles activités. Nous leur avons aussi demandé leur position par rapport aux démarches du G20.

Filiales. A ce jeu-là, BNP Paribas, qui compte 54 filiales aux îles Caïman, à Jersey, en Suisse, aux Bahamas, à Monaco et au Luxembourg, a été le groupe le plus transparent. La banque indique qu’elle réalise dans ces territoires 2 % de son chiffre d’affaires et que 2 600 salariés y travaillent.

Le groupe Caisse d’Epargne-Banques populaires, qui compte, via sa banque d’investissement Natixis, 40 filiales à Jersey, au Luxembourg, en Suisse, aux îles Caïman et aux Bermudes, n’est pas, non plus, avare en renseignements. Il indique être « présent de façon très marginale, avec un peu plus d’une centaine de personnes ». Et détaille par activité : 25 personnes travaillent dans les services offshore de banque de financement et d’investissement, une centaine proposent des services de gestion patrimoniale en Suisse et au Luxembourg, quelques fonds sont « domiciliés aux îles Caïman et aux Bermudes » pour, soi-disant, permettre « à des clients américains d’avoir plus facilement accès au marché européen ».

Autre groupe à accepter de nous répondre, Total. Assez surprenant : le pétrolier publie le rapport annuel le moins transparent du CAC 40 (à l’inverse des autres entreprises, il ne mentionne pas la nationalité de ses filiales, dont certaines sont basées aux Bermudes, en Suisse ou au Luxembourg). Selon Total, 5 % de son chiffre d’affaires est réalisé dans ces territoires, « moins de 2 000 personnes, principalement en Suisse » y travaillent pour des activités de « marketing, trading et assurance ».

Très peu diserte, la Société générale (21 filiales à Jersey, Monaco, Luxembourg, en Suisse et dans les îles Caïman) se contente d’indiquer qu’elle exerce dans ces territoires une activité de banque privée pour « répondre aux besoins légitimes de ses clients ». « SG Private Banking dispose d’une organisation locale structurée soutenue par des motifs d’ordre économique : proximité des clients et prospects fortunés, accompagnement de la clientèle existante… ».

Une réponse cependant plus fournie que celle de Dexia. Le groupe franco-belge, et ses 12 filiales à Jersey, au Luxembourg, en Suisse, aux îles Caïman et aux Bahamas, s’est contenté de nous renvoyer un extrait de son rapport « Développement durable ». Où l’on apprend qu’il respecte les « standards internationaux relatifs à la lutte contre le blanchiment des capitaux ».

« Egalité ». Quant au Crédit agricole, au Crédit mutuel, à Suez-GDF ou à LVMH, autant d’entreprises destinataires de notre questionnaire et largement présentes dans les paradis fiscaux, ils n’ont pas daigné nous répondre. Dommage pour eux. Ils auraient pu se présenter sous leur meilleur jour. Comme BNP Paribas qui, dans notre questionnaire, n’hésite pas à se décrire comme un pourfendeur des paradis fiscaux et revendique un soutien aux initiatives du G20. « Nous sommes favorables à la transparence et la coopération et donc à toutes les initiatives qui les encouragent », indique la banque. Qui se dit aussi même prête à se retirer des paradis fiscaux. Mais pose une condition : « Dès lors que de telles mesures sont exigées par tous les dirigeants mondiaux et aboutissent à une mise sur un pied d’égalité des banques ». La morale, oui, mais à condition que cela ne coûte pas trop cher…

(1) En intégralité sur liberation.fr

Voir en ligne : Libération

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