Bilan de l’édition nantaise du FSM décentralisé 2008

Vous trouverez dans cet article une rapide présentation de ce que fut notre édition nantaise du FSM décentralisé lors de la semaine mondiale d’action du lundi 21 au samedi 26 janvier.

Semaine du Forum Social Mondial 2008 - Nantes

Le collectif “Le monde n’est pas une marchandise” se propose d’être le relais local des mille forums sociaux qui se sont organisés partout autour de la planète.

Lundi 21 janvier, 20h30
Projection de l’enquête Le Prix de l’or de Camille De Vitry
Cinéma « Le Concorde »

Cette première soirée du FSM 2008 a été essentiellement pilotée par l’association Survie-44 en partenariat avec le cinéma « Le Concorde ».

Une centaine de personne était présente lors de cette projection sur la mine de Sadiola au Mali. Cette enquête montre les conséquences écologiques et humaines de « mise en valeur » des gisements miniers par les multinationales occidentales. Tandis que les bénéfices s’envolent vers l’Europe et les Etats-Unis, sur place, restent les poussières et les boues toxiques, les nappes phréatiques infestées et les ouvriers sacrifiés à un apartheid. Néanmoins, la société civile s’organise, constate et dénonce publiquement.

La projection a été suivie d’un échange d’une trentaine de minutes avec Olivier Gaselle de l’association Survie-44.
Cet échange a permis de soulever des questionnements techniques sur les conséquences de l’exploitation minière ainsi que le déséquilibre dans les relations entre l’Occident et les pays africains. De plus, le rôle négatif de la Banque Européenne d’Investissements a été souligné. En effet, cette dernière se targue d’être une source de financement pour des projets de développement
alors qu’elle finance pourtant des méga-projets miniers sans respecter aucune norme sociale ou écologique.

Mardi 22 janvier, 18h30
Table-ronde & projection de We Feed the World d’Erwin Wagenhofer
Salle Jules Verne, bâtiment des Chantiers et Ateliers de Nantes

Autour d’Alban Le Foll (attac-44) étaient réunis Patrick Baron (président de la Confédération Paysanne 44), Michelle Younan (Napce), Stéphane Jehanno (Ingalan), Serge Rousseau (producteur pour l’AMAP de Pornic) et Marianne Loustalot (responsable des Jardins de Cocagne nantais).

Grâce aux intervenants et à un public impliqué d’une cinquantaine de personne, ce temps d’échange a été très enrichissant. Il a permis de balayer un spectre assez large de la consommation alternative. Le thème de la table-ronde était parfaitement adapté : en effet, chaque structure a souligné l’importance de l’être humain dans les échanges en général et dans la production agricole en particulier.
La Confédération Paysanne a insisté sur le rôle des petites exploitations et sur l’importance de leur multiplication et a mis en garde face à un productivisme destructeur de l’environnement et du tissu social.
Napce (Nord/Sud agir pour le Commerce équitable) a soulevé le rôle crucial des consommateurs du Nord en rappelant que l’objectif prioritaire de l’association était de faire connaître le commerce équitable et de faire distribuer ces produits par le plus grand nombre d’enseignes pour une meilleure visibilité.
Tout en s’accordant sur la nécessité d’une éducation populaire vis-à-vis de tous les publics, Ingalan a relevé une certaine schizophrénie entre le commerce équitable et la grande distribution. Cette association a plaidé pour que l’expression « commerce équitable » devienne un pléonasme.
Le producteur « amapien », Serge Rousseau, partage également cette conviction et ajoute que l’Amap rentre parfaitement dans ce processus en proposant une sorte de « jardin par procuration ». Un circuit court et équitable qui permet de sensibiliser les citoyens consommateurs aux difficultés de la production agricole.
Les Jardins de Cocagne s’inscrivent également dans cette logique de « circuits-court » mais propose une autre dimension. En effet, l’objectif de cette structure est de ramener vers le travail des personnes en utilisant la production agricole comme support.

Après une petite pause légère et bio, la projection du film We Feed the World / Le Marché de la faim d’Erwin Wagenhofer a débuté devant un public plus nombreux d’une centaine de personnes. Ce film a très bien illustré les craintes soulevées par Patrick Baron de la Confédération Paysannne au début de la table-ronde : le gaspillage et la destruction qu’entraînent le productivisme agricole et l’insouciance des consommateurs. En effet, on constate le passage du « produire pour vivre » au « vivre pour produire ».
Un temps d’échange a suivi qui a permis à chacun de « digérer » ce film choc. Les OGM, le gaspillage, la pisciculture, les engrais, les agro-carburants... ont été autant de thèmes abordés montrant aussi l’inter-connexion des luttes...

Mercredi 23 janvier, 18h30
Lecture théatralisée de 3 pièces du recueil « A l’attaque » de Diana Vivarelli.
Espace Cosmopolis

« Divertir tout en donnant à réfléchir », voilà l’objectif de la compagnie Azimut théâtre.
La démarche artistique d’Azimut Théâtre puise ses références chez Molière, la Commedia dell’Arte, Bertold Brecht, Dario Fo et Franca Rame. Installée au cœur des quartiers populaires depuis sa création à Nantes en 95, Azimut Théâtre fait bénéficier les populations de son activité créatrice avec de multiples projets artistiques. Cette volonté d’accessibilité l’amène à jouer dans des lieux pas exclusivement réservés aux représentations théâtrales.

Les trois pièces jouées ce soir-là ont comme protagonistes des femmes et des hommes qui agissent pour leur émancipation : des femmes en lutte pour que la terre appartienne à celles/ceux qui la travaillent, des travailleurs en grève face à la fermeture de leur usine, des militants dénonçant la toute puissance du capital et du profit.
Servie par une mise en scène simple, cette soirée aura été l’occasion d’aborder les combats alter-mondialistes dans une forme différente.

Jeudi 24 janvier, 18h30
« Rendez-vous... à la Maison » organisé par le groupe nantais de Oxfam France - Agir ici : "La santé au Sud : pas sans les acteurs de terrain", témoignages d’Anophele au Mali et de Nantes Guinée
Maison des Citoyens du Monde

Chaque mois la Maison des Citoyens du Monde (MCM) met l’une de ses associations adhérentes en vedette en lui consacrant une soirée. _ Pour son rendez-vous à la Maison, le groupe local d’Oxfam France Agir-ici a invité deux associations, Nantes Guinée et Anophèle, afin d’illustrer sa campagne en cours sur la pénurie de personnel de santé dans les pays du sud.

A l’aide d’un diaporama et de quelques extraits vidéo, les étudiants d’Anophele ont présenté leurs actions au sein de plusieurs villages du Mali. Depuis sa création en 1977, Anophele, en lien avec l’association malienne, le Rhodar, a contribué à l’ouverture de centres de santé communautaires dans les villages, ainsi qu’à la formation de relais communautaires. Ces personnes alphabétisées des villages, en général reconnues et écoutées par la population, font passer des messages de prévention, en matière d’hygiène par exemple.

Nantes Guinée a pour objectif l’accès aux soins par le développement de mutuelles de santé, et elle s’appuie pour cela aussi sur la population locale et notamment les groupements de producteurs. Ainsi, trois mutuelles ont déjà été créées depuis 2005 et 4 sont en cours. Daniel Coutant nous présente également le projet de « médecine de famille ». Car, accéder aux soins avec une mutuelle, c’est bien mais encore faut-il qu’il y ait offre de soins.
Ainsi, à partir d’une réflexion issue des médecins guinéens (sur leur pratique, sur la notion d’accueil, sur la prévention, sur l’accès des populations rurales, sur leur propre métier...), la faculté de médecine de Conakry va mettre en place une filière spécifique « médecine de famille en guinée ».

Ces témoignages très concrets ont été suivis d’une discussion riche de questionnements et de réflexions, prolongée autour d’un pot offert par la MCM. 
A noter que l’assistance (une vingtaine de participants) était partagée entre habitués de la MCM, personnes informées par leur propre réseau et personnes venues dans le cadre du FSM.

Jeudi 24 janvier, 20h30
Projection du documentaire Carnets de route : un autre monde est possible de Keny Arkana
Centre Socio-culturel de Malakoff

Cette seconde partie du jeudi a été l’occasion d’intégrer au Forum social les acteurs du quartier de Malakoff, quartier populaire de Nantes.
Deux réunions préparatoires à cette soirée ont permis la rencontre de l’équipe du Centre socio-culturel de Malakoff, des salariés de Peuple et culture 44, d’une agent de développement de l’équipe de quartier de la Ville de Nantes et d’éducateurs travaillant sur le quartier.
L’association Kenja, association locomotive sur Malakoff, a été présente la journée du jeudi, exposant notamment ses travaux (vêtements et mobiliers fabriqués sur le mode du recyclage).

La projection-débat a réuni plus d’une cinquantaine de personnes, pour la plupart jeunes.
Alors que nous visions un public jeune du quartier, les personnes présentes étaient pour leur grande majorité extérieures à Malakoff (notamment des personnes engagées dans les mouvements étudiants).

Les débats suivant la projection, animés par Peuple et culture, ont été riches et fournis. Après de premiers échanges sur les limites et intérêts de la forme adoptée par le documentaire, la discussion a abordé des sujets plus généraux comme la place de l’individu dans la démocratie représentative (laquelle fut à plusieurs reprises attaquée du fait du rôle passif qu’elle laissait aux citoyens), la question de l’articulation entre individu et collectif, avant de toucher à celle du « Que faire pour changer les choses ? » : Actions individuelles (par la consommation, par exemple) ou actions collectives (par le politique, notamment) ?

Même si notre objectif initial de discuter avec les jeunes de ce quartier n’a pas été rempli, nous pouvons être globalement satisfaits de cette prise de contact avec des acteurs de Malakoff, dans la mesure où les connexions entre le mouvement social nantais et ce quartier étaient très faibles, si ce n’est inexistantes.

Vendredi 25 janvier, 18h30
Lecture théatralisée de 3 pièces du recueil « A l’attaque » de Diana Vivarelli.
Centre Socio-culturel du Jamet, Bellevue

La première partie de soirée a été consacrée à la projection du docu-fiction sur les droits des femmes écrit et réalisé par Diana Vivarelli, et tourné à l’Espace Simone de Beauvoir de Nantes à l’automne 2005 en partenariat avec plusieurs associations.
Ce film alterne des témoignages fictifs et des sketches. Des femmes et des hommes parlent avec conviction de leur parcours, de leur vie professionnelle et d’une société encore trop peu égalitaire. L’alternance des sketches humoristiques donne un souffle de légèreté, tout en dénonçant les stéréotypes familiaux et sociaux.

Cette projection a été suivie d’un échange qui a permis d’aborder différentes thématiques. Il a été noté que même si la situation s’améliore, des efforts restent à faire quant à l’éducation qui semble être la véritable clef de l’émancipation intellectuelle et physique et de l’égalité entre les genres.

Suite à une pause gourmande proposée par le Lutin, les membres fondateurs de la compagnie Azimut théâtre ont lu de façon théâtralisée des pièces du recueil A l’attaque. Ceci a été ensuite suivi d’un échange avec Alain Laplanche de l’association « Frère des Hommes » qui a approfondi le thème de la lutte des paysans sans terre en Amérique du Sud soulevé dans la première pièce.

Samedi 26 janvier, 15h00
Conférence-débat « Où en est le mouvement alter-mondialiste ? »
Faculté de médecine

Malgré notre volonté d’offrir une tribune plus large, seul Pierre Khalfa (membre du Conseil scientifique de attac-France & porte-parole de l’Union syndicale Solidaires) est intervenu lors de cette conférence publique.

Grâce à une intervention claire, engagée mais non véhémente, Pierre Khalfa a retracé les contours, les aspirations et les difficultés du mouvement altermondialiste.
Ainsi, face au « capitalisme glorieux » des années 90 et à la globalisation financière qui en a été le corollaire, le mouvement altermondialiste a conteste la logique même de ce système global.
Quatre grandes caractéristiques identifient le mouvement altermondialiste : c’est i) un mouvement mondial, ii) non classiciste et donc très hétérogène, iii) qui se pose uniquement comme contre-pouvoir et iv) dont le consensus est le mode de décision.
La grande réussite du mouvement altermondialiste a été de délégitimer les grandes institutions mondiales (OMC, FMI...) en faisant valoir que les droits humains étaient supérieurs aux logiques de profit. Néanmoins, le capitalisme entre dans une nouvelle phase (néo-libérale, néo-keynésienne et sécuritaire) qui va amener les altermondialistes vers de nouveaux défis en particulier sur le plan de l’élaboration d’alternatives.

La centaine de personnes présentes ont ensuite pu poser leurs questions et engager un débat de près de 2 heures. Parmi les questionnements, on notera l’importance de l’engagement européen qui reste encore à construire. Mais la décroissance, la démocratie participative versus la démocratie représentative, la non-violence, les Accords de partenariat économique (APE), la morosité des militants et de la population en général... ont été autant de thèmes abordés reflétant ainsi la diversité du mouvement altermondialiste et des luttes qu’il agrège.

Ainsi s’est terminé le Forum Social Mondial décentralisé 2008.
Le collectif « Le Monde n’est pas une marchandise » tient à remercier chaleureusement tous les acteurs qui ont permis à cette semaine d’exister (et malgré le sentiment de morosité cette liste est longue !) !
Vous êtes toutes & tous cordialement invités à vous investir dans les prochaines actions du collectif...

D’ici là ne lâchez rien ; un autre monde est possible...

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